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Vidéosurveillance à Montréal : une bonne idée ?

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Le Royaume-Uni a depuis longtemps misé sur cette technologie pour lutter contre la criminalité et le terrorisme. Plusieurs autres pays occidentaux s’y sont mis, mais le Canada tire toujours de l’arrière. Que faire ? Analyse de Valérie Borde.

11 fév. 2014 par Valérie Borde

Le maire de Montréal, Denis Coderre, veut plus de caméras de vidéosurveillance dans les rues pour contrer le sentiment d’insécurité que vivent les résidants de certains quartiers.

Il entend consulter prochainement les Montréalais à ce sujet pour savoir s’ils croient à l’efficacité de cette mesure, qui suscite bien des débats.

Le Royaume-Uni, lui, a depuis longtemps misé sur cette technologie pour lutter contre la criminalité et le terrorisme. En moyenne, chaque Britannique est filmé 300 fois par jour dans les lieux publics ! Plusieurs autres pays occidentaux s’y sont mis, mais le Canada tire de l’arrière.

Faut-il faire comme les autres, se fier au bon sens populaire, ou regarder ce qu’en disent les spécialistes ?

Du côté des études scientifiques, le moins que l’on puisse dire, c’est que la vidéosurveillance n’a pas fait la preuve de son efficacité.

La méta-analyse scientifique la plus récente à ce sujet date de 2009. Elle a été publiée dans la revue Justice Quaterly par l’Américain Brandon Welsh et le Britannique David Farrington, deux criminologues très réputés.

Les deux chercheurs ont compilé 41 études, dont 34 réalisées en Angleterre. Ils ont tenté de déterminer si les caméras de surveillance étaient efficaces pour faire baisser la criminalité.

Ils en ont déduit que, pour les projets étudiés, les stationnements étaient les seuls lieux publics où le nombre de crimes a nettement baissé après l’installation de caméras en circuit fermé (de 41 % en moyenne). La mesure a eu un effet négligeable ou non significatif partout ailleurs : dans les rues, les transports en commun et les complexes de logements sociaux.

Pour les stationnements, les chercheurs n’ont pu attribuer directement aux caméras la baisse de criminalité, puisque dans la plupart des projets étudiés, les promoteurs avaient en même temps renforcé l’éclairage et le nombre de gardiens.

Les chercheurs notent que les autres bienfaits habituellement attribués aux caméras de surveillance — comme l’accroissement du sentiment de sécurité — n’ont pas été clairement démontrés.

Ils insistent surtout sur le fait que bien peu de projets aient fait l’objet d’une évaluation rigoureuse, de longue durée, qui s’assure notamment qu’on n’a pas fait que déplacer des problèmes un peu plus loin — et qui tienne compte de l’effet confondant d’autres éléments (l’amélioration de l’éclairage public, par exemple).

Sauf qu’actuellement, tout se passe comme si les autorités supposaient d’emblée que les caméras sont efficaces.

Compte tenu du coût de ces systèmes, et de leurs effets sur la vie privée, on aurait pourtant besoin d’en savoir un peu plus avant de les accepter les yeux fermés.

Montréal décidera peut-être de faire comme les autres et d’investir dans la vidéosurveillance en se basant sur la pensée magique plutôt que sur des données probantes.

Mais ce serait bien, au moins, qu’elle s’assure de contribuer à faire progresser les connaissances sur ce sujet, en documentant toute l’expérience de manière rigoureuse… pour qu’on puisse un jour y mettre fin si elle s’avère inefficace.

* * *

À lire aussi sur ce sujet : Le déploiement des caméras de surveillance dans les rues et autres espaces publics au Canada : au-delà des stratégies d’opposition et d’encadrement, publié en 2013 par Christian Boudreau, professeur à l’ENAP, à Montréal.

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